dimanche 24 avril 2011

Tortellini al ragu

Dernière rencontre du réseau Transeuropa avant le fameux festival ! Après Londres, nous nous retrouvons cette fois en Italie, à Bologne, où je vais pour la première fois. 



La ville a énormément de charme, plusieurs d'entre nous en tombons amoureux. L'ambiance d'un lieu est bien plus qu'un sentiment subjectif. Les couleurs, la lumière et les bruits font de Bologne un endroit apaisant. Un tel calme en plein centre est surprenant, il suffit parfois de s'éloigner d'une rue ou deux de grandes places ou rues très passantes pour retrouver un silence presque complet. Je marcherais presque sur la pointe des pieds pour que le "clac clac" de mes bottines ne le trouble pas.



Quelques photos, et une adresse : la librairie Modo Infoshop, à ne pas rater (surtout si vous lisez l'italien).

Presque chaque rue à des arcades.

Moi, Diana, Daniel et Anca




"Autoportrait aux pâtes, fromages et charcuteries" :)

Sur la Piazza Maggiore

Le futur maire de Bologne ?

Même la ville du "processus de Bologne" est touchée par les mouvements de contestation des réformes de l'université (voir ici et ici)



Notre avion pour Cluj a du retard - derniers instants de farniente devant l'aéroport

lundi 18 avril 2011

Aici e românia!

Comme promis dans le dernier post, voici des nouvelles de Cluj-Napoca. Le suspense fut long : un mois ici, et toujours pas de photos...  J'avais pris quelques notes de ce que je voulais écrire sur Cluj, mais quand on arrive quelque part, les impressions changent si vite que déjà ce que j'ai noté des premières semaines ici me semblent déjà presque lointain.

Cluj-Napoca

J'ai un peu tendance à comparer cette expérience, ce voyage, à l'année passée à Sofia. Mais même si je suis à nouveau en Europe de l'Est, cette comparaison n'est pas nécessairement très logique, car non seulement ce n'est pas la même région (attention à ne pas dire de la Transylvanie qu'elle a quoi que ce soit à voir avec les Balkans), mais je ne suis pas non plus ici dans le même cadre ni pour la même durée. Enfin, je ne peux m'empêcher de faire des parallèles, alors tant pis. Vivre en Roumanie représente une nouvelle aventure, mais moins dépaysante que la Bulgarie. Plus que pour des raisons objectives, la différence tient surtout au fait que je suis arrivée à Sofia sans jamais avoir été plus à l'Est que Budapest (sauf le Caire et la Syrie), que je ne connaissais rien des langues slaves (ni du cyrillique, sans lequel on est perdu à peu près partout en Bulgarie sauf peut-être sur l'autoroute), et encore moins de la culture des Balkans. Je suis donc arrivée ici en ayant déjà une idée de ce qui m'attendait, d'autant plus que j'avais voyagé dans le pays et passé quelques jours à Cluj-Napoca, comme je l'écrivais dans l'un des premiers posts. 





Partition de gouttes d'eau

Au tout début, pendant quelques semaines, j'ai vécu dans un entre-deux, dans un environnement pas tout à fait inconnu mais où je n'étais pas encore non plus installée. Diana, une collègue d'Alternatives Européennes, m'a hébergé quelques temps avant que je trouve un appart, où j'ai ensuite mis du temps à m'installer à cause des différents voyages. Cet appart me semblait presque trop beau pour être vrai :  jamais ma chambre n'a été si grande. Finies les 50 minutes de métro chaque matin : je suis à quinze minutes du bureau, dix de la place centrale, cinq d'un grand marché et d'un parc, deux de la rivière. Les premiers temps, j'ai cherché à imprimer dans ma mémoire tous ces lieux, me projetant dans l'avenir, quand cette rue serait "ma" rue, les alentours des lieux connus presque instinctivement, ces voisins des amis. C'est toujours un jeu intéressant, car on ne se rend jamais compte de la vitesse à laquelle ces changements ont lieu. J'ai envie de profiter et d'avoir conscience du début, quand tout est à découvrir, surtout que je ne resterai peut-être ici que quelques mois, donc la "fin" risque de suivre le "début" presque sans transition par le milieu (est-ce que ça a du sens ?).

Une des premières choses qui m'ont frappé à Cluj-Napoca, l'été dernier comme pour ma "deuxième" (en fait troisième) arrivée en mars, ce sont toutes les couleurs et l'architecture, notamment des toits (mais aussi les jupes et les foulards des femmes notamment roms).











Non seulement l'appart où je vis est super, mais ma coloc Galina est une perle ! On s'entend très bien. Elle vient de Chișinău, la capitale moldave (prononcer [ki-ch-i-n-eu-ou] ; de la république de Moldavie, pas de la région roumaine du même nom, de l'autre côté de la frontière), mais vit à Cluj depuis des années et s'efforce de m'apprendre le roumain de Cluj et non de Moldavie ;) Sa sœur vit dans l'appartement d'à-côté avec son mari, et de l'autre côté sont deux étudiantes roumaines. L'ambiance est très sympa et on se voit régulièrement pour discuter, manger ensemble ou partager le café ou la palinka.

Un autre point commun avec la Bulgarie est que je suis arrivée dans un pays dont je ne parle pas la langue. Le roumain n'a rien à voir avec le bulgare (si ce n'est quelques mots d'origine slave par ci par là), mais est proche de l'italien et apparemment du latin, donc pas trop éloigné du français non plus. Je me souviens avoir vu un court-métrage roumain l'année dernière : pendant les dix premières minutes du film, j'étais persuadée que les personnages parlaient italien, et non roumain (au point de ne comprendre le film que presque après coup). A nouveau, je repasse par les étapes d'apprentissage. C'est intéressant d'observer qu'on passe plus ou moins dans le même ordre par les mêmes besoins de communication : quelques adjectifs et formules très simples conviennent très bien au début, puis il faut des pronoms, des verbes, des notions d'espace et de temps, etc. Bien sûr, c'est frustrant de ne pas pouvoir dire ce qu'on veut. Je suis impatiente. 

Il y a une semaine, j'ai commencé à me rendre compte de quelque chose qui m'a terrifié : j'avais oublié le verbe "avoir" en bulgare. J'avais beau cherché, m'imaginer en situation, les mots se bousculaient soit en roumain soit en allemand (mais pas en français ou anglais). C'est la première fois que quelque chose comme ça m'arrive. Impossible de retrouver le mot bulgare, alors que je pouvais quand même parler. Le weekend dernier, la même chose avec le verbe "être". Parler bulgare (avec des Bulgares) me demandait une grande concentration, et même malgré ça je ponctuais ce que je disais de mots roumains. La même chose se passe parfois (mais plus rarement) en roumain. En réfléchissant, j'arrive à savoir quel mot appartient à quelle langue, mais pour les petits mots simples, qu'on dit inconsciemment, rien à faire : j'ai passé le weekend à Bologne à répondre "da" aux Italiens (heureusement c'est le même mot en bulgare et en roumain, mais pour non, "ne" en bulgare et "nu" en roumain, j'ai aussi commencé à confondre). 

J'espère que ce n'est qu'une question de temps pour que, comme les tous jeunes enfants, j'arrive à ranger tous ces mots (sans perdre une des langues au passage ou en former une nouvelle hybride !). A Bologne (voir un prochain post), j'ai rencontré dans une librairie une Italienne qui lisait dans un français parfait un livre de sorcière à son fils. Le petit garçon, Pietro (roulez le rrr), comprend parfaitement le français mais ne parle qu'en italien. Le français, c'est seulement quand il va à Paris (sa mère me traduisait ce qu'il disait). Il traduisait simultanément mes questions ou ce que sa mère lui demandait : "- Dis merci à ton père pour le livre. - Grazie."

Et voici pour finir quelques photos de Cluj, pour vous qui ne viendrez pas, et comme avant-goût pour vous qui viendrez :

Stradă Iuliu Maniu

Piața Unirii
 Piața Muzeului

Bulevardul 21 Decembrie

"Ici c'est la Roumanie !"

 

Pour Klervi !

vendredi 8 avril 2011

Journée internationale des Roms

Le 8 avril est la journée internationale des Roms (au passage, Roms et Roumains ne sont pas synonymes : il y aussi bien des Roms non Roumains que des Roumains non Roms). Le droit des Roms est une question sur laquelle  l'organisation Alternatives Européennes est très active, en particulier cette année, notamment depuis les expulsions de l'été dernier en France. De nombreux événements porteront sur cette question pendant le Festival Transeuropa, du 6 au 15 mai, à Cluj-Napoca, Paris, Sofia, Bologne... A Paris, la soirée à ne pas manquer est celle du 6 mai, où on a le grand honneur d'organiser un concert de Rona Hartner ! Je ne sais pas si c'est une "déformation professionnelle" de parler tout le temps d'Alternatives Européennes, ou si je m'identifie tellement à ce qu'on fait que ça semble normal d'en parler sur ce blog aussi... 

A Cluj-Napoca, voici quelques images des événements organisés pour le 8 avril.

Lancer de fleurs sur la Someșul Mic

Drapeaux roumain, rom et européen

"Djelem djelem", l'hymne rom




jeudi 7 avril 2011

De Stara Zagora à Londres

Voilà presque quatre semaines que je suis arrivée à Cluj-Napoca. Quatre... ou deux ?

Quelques jours après l'arrivée, je suis partie une semaine en Bulgarie, à Stara Zagora, pour une consultation citoyenne organisée par Alternatives Européennes (et FLARE) sur la liberté de la presse, dans le cadre du projet "Power People Participation". Le voyage fut long : une nuit en train jusqu'à Bucarest, puis un jour jusqu'à Stara Zagora. Je repassais alors pour la deuxième fois l'unique pont sur le Danube reliant la Bulgarie et la Roumanie : la première fois, c'était l'été dernier, en stop avec Paddy et un voyageur australien, avant d'arriver sans lei en banlieue de Bucarest, faisant un festin des pastèques nous restant du voyage, sous une chaleur écrasante. Souvenirs du weekend à Ruse avec Kevin et Laurent (et Tuk). Quel plaisir d'entendre à nouveau du bulgare! Dans ces vieux trains à compartiments, je ne manque pas de rencontrer deux vieilles Bulgares, qui semblent avoir pitié de ce long voyage que je fais et cherchent à me faire passer le temps en me parlant de tout et n'importe quoi. A la gare de Stara Zagora (que je connais bien : voir ici et ), en attendant les Bulgares qui nous aident à organiser la consultation, je sympathise avec une petite fille rom, qui attend. Quoi, qui ? Personne. Juste un train, pour dormir quelque part. Elle a moins de dix ans, souffre d'un handicap au palais, et vit comme ça depuis des années, ayant perdu ses parents étant petite. Presque chaque soir, elle change de ville, mendie pour manger, erre seule. Elle voudrait partir avec moi. Puis Rosen, Evgeny et Angel arrivent, et on se quitte.


Je retrouve Alessandro d'Alternatives Européennes, responsable de l'ensemble du projet "PPP", qui passe l'année entre l'Italie, l'Espagne, la France, le Royaume-Uni, la Roumanie et la Bulgarie. On passe le weekend accueillis avec énormément de chaleur par l'équipe bulgare. La consultation citoyenne se passe bien (les résultats ici, en anglais). Mais déjà il faut préparer la suivante, qui aura lieu à Sliven sur les Roms. L'occasion de revoir Angel, le charismatique chef d'orchestre de Karandila Jr, et de rencontrer d'autres personnes de Sliven engagées pour le droit des Roms. Pour ce voyage express en Bulgarie, pas le temps de retourner à Sofia, où il y a beaucoup de gens que j'aimerais revoir. Mais Delyan, Darina, Sacho, Dimitri et Rebekka (que j'ai revue il y a seulement quelques semaines chez elle à Freiburg) viennent à Stara Zagora : la journée passe à toute vitesse, à rire presque tout le temps ! Retour avec le train Istanbul-Bucarest, puis le train de nuit Bucarest-Cluj, avec une prof de français très sympa d'Oradea.


Depuis l'arrivée en Roumanie, j'ai passé une autre semaine à Londres. Ça aurait du être un weekend de rencontre du réseau Transeuropa, comme celle qui avait eu lieu à Cluj-Napoca fin février, mais les choses se sont passées autrement. Je crois avoir atteint un record personnel de galères. Après un weekend très intense (le festival approche, on travaille aussi beaucoup sur l'amélioration du fonctionnement de l'organisation et du réseau Transeuropa, et on profite des retrouvailles, notamment avec les collègues de Paris), soirée swing dans un bar de Brick Lane. C'est là que je me fais voler mon sac (quelle mauvaise expression, "se faire voler quelque chose", comme si c'était quelque chose qu'on se faisait à nous-mêmes) quelques heures avant de devoir retrouver les Roumains pour prendre un avion très tôt à Luton. Sachant qu'il y avait notamment dans le sac ma carte d'identité et ma carte bancaire. Soirée commissariat, puis journée consulat - je n'aurais pas pensé retrouver Cromwell Road (où j'ai passé deux ans) dans ces conditions. Ces administrations ont quelque chose d'extrêmement oppressant et il y pèse une insécurité stressante (qui rappelle Le Procès de Kafka) : est-ce qu'on est bien assis au bon endroit ? Est-ce qu'on a tous les documents nécessaires ? Est-ce qu'on n'a pas tout simplement été oublié sur ce banc par ces gens qui apparaissent tout d'un coup d'un bureau, puis disparaissent à nouveau pour quelques heures ? Ajoutez à ça le fait que je suis Française mais veux rentrer en Roumanie, que mon passeport n'est pas perdu, mais est à Cluj-Napoca, et que je n'ai pas d'argent, ça donne quelques longues heures passées dans le couloir du consulat. Je finis quand même par sortir avec le document clef de ma libération, retrouve une amie bulgare, Ani, qui me prête de l'argent, puis passe la nuit chez deux collègues, Niccolo et Lorenzo.

Visite de la British Library -rencontre par hasard de Bulgares du réseau Transeuropa- où se tenait une expo géniale sur l'évolution de la langue anglaise. Pause agréables dans ces journées de galères.

J'ai un vol tôt le lendemain matin. Mais ce serait trop simple de s'arrêter là. Car le lendemain, le train que je voulais prendre de King's Cross pour Luton ne vient pas. Le suivant, lui, a vingt minutes de retard. Un Roumain sur le quai est dans la même situation que moi. On va voir combien coûtent les taxis, mais c'est hors de prix. Il ne reste qu'à attendre, et courir. On se précipite sur le bureau de Wizzair : il a encore le temps d'avoir le vol pour Timișоara, mais pour Cluj, c'est trop tard. Il me reste quelques livres pour retourner en bus à la gare de Luton, et de là attendre que mes collègues d'Alternatives Européennes achètent un billet de train en ligne, que je pourrais retirer. La transaction met presque deux heures à arriver à la station, puis on me demande la carte bleue avec laquelle le ticket a été acheté. Mais si j'avais eu une carte bleue justement, je n'aurais pas été là. Cerise sur le gâteau, c'est à ce moment que mon crédit de téléphone s'épuise. En expliquant la situation, je reçois quand même finalement le ticket pour Londres, retourne au bureau où on me prend un troisième billet d'avion pour Cluj pour le lendemain, contacte mon père et ma sœur, qui recharge mon téléphone, retrouve Ani qui me prête à nouveau de l'argent, puis dors enfin.


Le lendemain, même si l'hôtesse observe longuement mon laissez-passer, je monte finalement dans l'avion pour Cluj. A l'arrivée, au contrôle de la police des frontières, on fronce les sourcils et m'explique bien que ce document me permet seulement d'entrer en Roumanie, mais pas d'en sortir, donc que j'ai intérêt à être bien sûr que mon passeport est là. Heuseusement, il est bien chez moi. 

Weekend très fort en émotions donc, même si les derniers jours ne ternissent pas les premiers. Comme disait Ani, c'est que Londres ne voulait pas me laisser partir. J'espère que c'est ça plutôt que moi qui au fond ne voulais pas rentrer, parce qu'au prix de ces galères, je m'inquièterai pour ma santé psychique si c'était le cas.

Encore un article où je n'ai toujours pas parlé de Cluj-Napoca... Promis, ce sera pour le prochain !