Comme promis dans le dernier post, voici des nouvelles de Cluj-Napoca. Le suspense fut long : un mois ici, et toujours pas de photos... J'avais pris quelques notes de ce que je voulais écrire sur Cluj, mais quand on arrive quelque part, les impressions changent si vite que déjà ce que j'ai noté des premières semaines ici me semblent déjà presque lointain.
Cluj-Napoca |
J'ai un peu tendance à comparer cette expérience, ce voyage, à l'année passée à Sofia. Mais même si je suis à nouveau en Europe de l'Est, cette comparaison n'est pas nécessairement très logique, car non seulement ce n'est pas la même région (attention à ne pas dire de la Transylvanie qu'elle a quoi que ce soit à voir avec les Balkans), mais je ne suis pas non plus ici dans le même cadre ni pour la même durée. Enfin, je ne peux m'empêcher de faire des parallèles, alors tant pis. Vivre en Roumanie représente une nouvelle aventure, mais moins dépaysante que la Bulgarie. Plus que pour des raisons objectives, la différence tient surtout au fait que je suis arrivée à Sofia sans jamais avoir été plus à l'Est que Budapest (sauf le Caire et la Syrie), que je ne connaissais rien des langues slaves (ni du cyrillique, sans lequel on est perdu à peu près partout en Bulgarie sauf peut-être sur l'autoroute), et encore moins de la culture des Balkans. Je suis donc arrivée ici en ayant déjà une idée de ce qui m'attendait, d'autant plus que j'avais voyagé dans le pays et passé quelques jours à Cluj-Napoca, comme je l'écrivais dans l'un des premiers posts.
Partition de gouttes d'eau |
Au tout début, pendant quelques semaines, j'ai vécu dans un entre-deux, dans un environnement pas tout à fait inconnu mais où je n'étais pas encore non plus installée. Diana, une collègue d'Alternatives Européennes, m'a hébergé quelques temps avant que je trouve un appart, où j'ai ensuite mis du temps à m'installer à cause des différents voyages. Cet appart me semblait presque trop beau pour être vrai : jamais ma chambre n'a été si grande. Finies les 50 minutes de métro chaque matin : je suis à quinze minutes du bureau, dix de la place centrale, cinq d'un grand marché et d'un parc, deux de la rivière. Les premiers temps, j'ai cherché à imprimer dans ma mémoire tous ces lieux, me projetant dans l'avenir, quand cette rue serait "ma" rue, les alentours des lieux connus presque instinctivement, ces voisins des amis. C'est toujours un jeu intéressant, car on ne se rend jamais compte de la vitesse à laquelle ces changements ont lieu. J'ai envie de profiter et d'avoir conscience du début, quand tout est à découvrir, surtout que je ne resterai peut-être ici que quelques mois, donc la "fin" risque de suivre le "début" presque sans transition par le milieu (est-ce que ça a du sens ?).
Une des premières choses qui m'ont frappé à Cluj-Napoca, l'été dernier comme pour ma "deuxième" (en fait troisième) arrivée en mars, ce sont toutes les couleurs et l'architecture, notamment des toits (mais aussi les jupes et les foulards des femmes notamment roms).
Un autre point commun avec la Bulgarie est que je suis arrivée dans un pays dont je ne parle pas la langue. Le roumain n'a rien à voir avec le bulgare (si ce n'est quelques mots d'origine slave par ci par là), mais est proche de l'italien et apparemment du latin, donc pas trop éloigné du français non plus. Je me souviens avoir vu un court-métrage roumain l'année dernière : pendant les dix premières minutes du film, j'étais persuadée que les personnages parlaient italien, et non roumain (au point de ne comprendre le film que presque après coup). A nouveau, je repasse par les étapes d'apprentissage. C'est intéressant d'observer qu'on passe plus ou moins dans le même ordre par les mêmes besoins de communication : quelques adjectifs et formules très simples conviennent très bien au début, puis il faut des pronoms, des verbes, des notions d'espace et de temps, etc. Bien sûr, c'est frustrant de ne pas pouvoir dire ce qu'on veut. Je suis impatiente.
Il y a une semaine, j'ai commencé à me rendre compte de quelque chose qui m'a terrifié : j'avais oublié le verbe "avoir" en bulgare. J'avais beau cherché, m'imaginer en situation, les mots se bousculaient soit en roumain soit en allemand (mais pas en français ou anglais). C'est la première fois que quelque chose comme ça m'arrive. Impossible de retrouver le mot bulgare, alors que je pouvais quand même parler. Le weekend dernier, la même chose avec le verbe "être". Parler bulgare (avec des Bulgares) me demandait une grande concentration, et même malgré ça je ponctuais ce que je disais de mots roumains. La même chose se passe parfois (mais plus rarement) en roumain. En réfléchissant, j'arrive à savoir quel mot appartient à quelle langue, mais pour les petits mots simples, qu'on dit inconsciemment, rien à faire : j'ai passé le weekend à Bologne à répondre "da" aux Italiens (heureusement c'est le même mot en bulgare et en roumain, mais pour non, "ne" en bulgare et "nu" en roumain, j'ai aussi commencé à confondre).
J'espère que ce n'est qu'une question de temps pour que, comme les tous jeunes enfants, j'arrive à ranger tous ces mots (sans perdre une des langues au passage ou en former une nouvelle hybride !). A Bologne (voir un prochain post), j'ai rencontré dans une librairie une Italienne qui lisait dans un français parfait un livre de sorcière à son fils. Le petit garçon, Pietro (roulez le rrr), comprend parfaitement le français mais ne parle qu'en italien. Le français, c'est seulement quand il va à Paris (sa mère me traduisait ce qu'il disait). Il traduisait simultanément mes questions ou ce que sa mère lui demandait : "- Dis merci à ton père pour le livre. - Grazie."
Et voici pour finir quelques photos de Cluj, pour vous qui ne viendrez pas, et comme avant-goût pour vous qui viendrez :
Stradă Iuliu Maniu |
Piața Unirii |
Piața Muzeului |
Bulevardul 21 Decembrie |
"Ici c'est la Roumanie !" |
Pour Klervi ! |
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