jeudi 7 avril 2011

De Stara Zagora à Londres

Voilà presque quatre semaines que je suis arrivée à Cluj-Napoca. Quatre... ou deux ?

Quelques jours après l'arrivée, je suis partie une semaine en Bulgarie, à Stara Zagora, pour une consultation citoyenne organisée par Alternatives Européennes (et FLARE) sur la liberté de la presse, dans le cadre du projet "Power People Participation". Le voyage fut long : une nuit en train jusqu'à Bucarest, puis un jour jusqu'à Stara Zagora. Je repassais alors pour la deuxième fois l'unique pont sur le Danube reliant la Bulgarie et la Roumanie : la première fois, c'était l'été dernier, en stop avec Paddy et un voyageur australien, avant d'arriver sans lei en banlieue de Bucarest, faisant un festin des pastèques nous restant du voyage, sous une chaleur écrasante. Souvenirs du weekend à Ruse avec Kevin et Laurent (et Tuk). Quel plaisir d'entendre à nouveau du bulgare! Dans ces vieux trains à compartiments, je ne manque pas de rencontrer deux vieilles Bulgares, qui semblent avoir pitié de ce long voyage que je fais et cherchent à me faire passer le temps en me parlant de tout et n'importe quoi. A la gare de Stara Zagora (que je connais bien : voir ici et ), en attendant les Bulgares qui nous aident à organiser la consultation, je sympathise avec une petite fille rom, qui attend. Quoi, qui ? Personne. Juste un train, pour dormir quelque part. Elle a moins de dix ans, souffre d'un handicap au palais, et vit comme ça depuis des années, ayant perdu ses parents étant petite. Presque chaque soir, elle change de ville, mendie pour manger, erre seule. Elle voudrait partir avec moi. Puis Rosen, Evgeny et Angel arrivent, et on se quitte.


Je retrouve Alessandro d'Alternatives Européennes, responsable de l'ensemble du projet "PPP", qui passe l'année entre l'Italie, l'Espagne, la France, le Royaume-Uni, la Roumanie et la Bulgarie. On passe le weekend accueillis avec énormément de chaleur par l'équipe bulgare. La consultation citoyenne se passe bien (les résultats ici, en anglais). Mais déjà il faut préparer la suivante, qui aura lieu à Sliven sur les Roms. L'occasion de revoir Angel, le charismatique chef d'orchestre de Karandila Jr, et de rencontrer d'autres personnes de Sliven engagées pour le droit des Roms. Pour ce voyage express en Bulgarie, pas le temps de retourner à Sofia, où il y a beaucoup de gens que j'aimerais revoir. Mais Delyan, Darina, Sacho, Dimitri et Rebekka (que j'ai revue il y a seulement quelques semaines chez elle à Freiburg) viennent à Stara Zagora : la journée passe à toute vitesse, à rire presque tout le temps ! Retour avec le train Istanbul-Bucarest, puis le train de nuit Bucarest-Cluj, avec une prof de français très sympa d'Oradea.


Depuis l'arrivée en Roumanie, j'ai passé une autre semaine à Londres. Ça aurait du être un weekend de rencontre du réseau Transeuropa, comme celle qui avait eu lieu à Cluj-Napoca fin février, mais les choses se sont passées autrement. Je crois avoir atteint un record personnel de galères. Après un weekend très intense (le festival approche, on travaille aussi beaucoup sur l'amélioration du fonctionnement de l'organisation et du réseau Transeuropa, et on profite des retrouvailles, notamment avec les collègues de Paris), soirée swing dans un bar de Brick Lane. C'est là que je me fais voler mon sac (quelle mauvaise expression, "se faire voler quelque chose", comme si c'était quelque chose qu'on se faisait à nous-mêmes) quelques heures avant de devoir retrouver les Roumains pour prendre un avion très tôt à Luton. Sachant qu'il y avait notamment dans le sac ma carte d'identité et ma carte bancaire. Soirée commissariat, puis journée consulat - je n'aurais pas pensé retrouver Cromwell Road (où j'ai passé deux ans) dans ces conditions. Ces administrations ont quelque chose d'extrêmement oppressant et il y pèse une insécurité stressante (qui rappelle Le Procès de Kafka) : est-ce qu'on est bien assis au bon endroit ? Est-ce qu'on a tous les documents nécessaires ? Est-ce qu'on n'a pas tout simplement été oublié sur ce banc par ces gens qui apparaissent tout d'un coup d'un bureau, puis disparaissent à nouveau pour quelques heures ? Ajoutez à ça le fait que je suis Française mais veux rentrer en Roumanie, que mon passeport n'est pas perdu, mais est à Cluj-Napoca, et que je n'ai pas d'argent, ça donne quelques longues heures passées dans le couloir du consulat. Je finis quand même par sortir avec le document clef de ma libération, retrouve une amie bulgare, Ani, qui me prête de l'argent, puis passe la nuit chez deux collègues, Niccolo et Lorenzo.

Visite de la British Library -rencontre par hasard de Bulgares du réseau Transeuropa- où se tenait une expo géniale sur l'évolution de la langue anglaise. Pause agréables dans ces journées de galères.

J'ai un vol tôt le lendemain matin. Mais ce serait trop simple de s'arrêter là. Car le lendemain, le train que je voulais prendre de King's Cross pour Luton ne vient pas. Le suivant, lui, a vingt minutes de retard. Un Roumain sur le quai est dans la même situation que moi. On va voir combien coûtent les taxis, mais c'est hors de prix. Il ne reste qu'à attendre, et courir. On se précipite sur le bureau de Wizzair : il a encore le temps d'avoir le vol pour Timișоara, mais pour Cluj, c'est trop tard. Il me reste quelques livres pour retourner en bus à la gare de Luton, et de là attendre que mes collègues d'Alternatives Européennes achètent un billet de train en ligne, que je pourrais retirer. La transaction met presque deux heures à arriver à la station, puis on me demande la carte bleue avec laquelle le ticket a été acheté. Mais si j'avais eu une carte bleue justement, je n'aurais pas été là. Cerise sur le gâteau, c'est à ce moment que mon crédit de téléphone s'épuise. En expliquant la situation, je reçois quand même finalement le ticket pour Londres, retourne au bureau où on me prend un troisième billet d'avion pour Cluj pour le lendemain, contacte mon père et ma sœur, qui recharge mon téléphone, retrouve Ani qui me prête à nouveau de l'argent, puis dors enfin.


Le lendemain, même si l'hôtesse observe longuement mon laissez-passer, je monte finalement dans l'avion pour Cluj. A l'arrivée, au contrôle de la police des frontières, on fronce les sourcils et m'explique bien que ce document me permet seulement d'entrer en Roumanie, mais pas d'en sortir, donc que j'ai intérêt à être bien sûr que mon passeport est là. Heuseusement, il est bien chez moi. 

Weekend très fort en émotions donc, même si les derniers jours ne ternissent pas les premiers. Comme disait Ani, c'est que Londres ne voulait pas me laisser partir. J'espère que c'est ça plutôt que moi qui au fond ne voulais pas rentrer, parce qu'au prix de ces galères, je m'inquièterai pour ma santé psychique si c'était le cas.

Encore un article où je n'ai toujours pas parlé de Cluj-Napoca... Promis, ce sera pour le prochain !

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